Arrivant dans la salle dite des Girondins, la première de la partie exhaussée à la fin du XVIIIe siècle, le visiteur est saisi par l'esthétique de l'escalier dessiné par Teulère et construit par Jean Besse « appareilleur en chef », dont le nom apparaît sur une plaque de laiton scellée dans la pierre.

L'escalier s’appuie sur une demi-voûte qui s'enroule dans un cône. À l'intersection de cette voûte et d'un plan, chaque plancher dessine une forme subtile, presque un cœur. Dans son important Traité de stéréotomie (1737) c'est-à-dire la science de la taille et de la coupe des matériaux de construction, en particulier de la pierre, l'ingénieur militaire Amédée Frézier appelle ce genre de figure un « ellipsoidimbre ».

L'escalier de Cordouan est une « traduction » en trois dimensions des questions pratiques et théoriques qui agitent le monde des ingénieurs du XVIIIe siècle. Cette période voit en effet apparaître la figure de l'ingénieur « savant », civil ou militaire, avec la fondation d’écoles comme les Ponts et Chaussées (1747) ou le Génie (1748). L'un des enjeux pour ces bâtisseurs d'ouvrages d'art est de transformer un savoir ancestral – la coupe des pierres – en une science géométrique, la stéréotomie. Les intersections de volumes – sphère, cône, cylindre – sont au programme. Sous la Révolution, le mathématicien Gaspard Monge invente une méthode de résolution graphique de ces problèmes, la géométrie descriptive. Issu d'une famille de maîtres maçons, Joseph Teulère représente une figure traditionnelle de l'ingénieur, proche du monde des arts – l'architecture – et des artisans.

Cordouan est donc le chef-d’œuvre d'un ingénieur « artiste » dont la forme inspire les nouveaux ingénieurs « savants ».