Les archives témoignent de l'ampleur des fortunes de mer et des drames maritimes dont les abords de Cordouan ont été le théâtre. Au vrai, il n'est aucun navire, de quelque tonnage qu'il soit, qui ait été épargné par les « furies de temps » que déchaînent tout particulièrement les tempêtes hivernales. Mais la fureur de Neptune ou la géographie des lieux ne sont pas seules en cause lorsque l'on évoque les naufrages. Les sources documentaires attestent que les pilotes eux-mêmes, bien que marins expérimentés et connaisseurs des lieux, éprouvent parfois quelque difficulté à guider les navires vers le fleuve ou l'océan, contribuant du même coup à leur perte. De même, les avaries techniques et les faits de guerre jouent un rôle non négligeable en prélevant leur tribut sur les bateaux qui hantent les parages. Le destin a cependant son ironie ! Entraînés par le fond ou drossés à la côte, les navires perdus se révèlent souvent une manne providentielle pour les populations littorales. Archive, iconographie, ex-voto ou archéologie sous-marine contribuent à documenter ces tragiques épisodes maritimes dont la liste des victimes est interminable. Sur l'estran ou en pleine mer, tapis sous les sédiments, surgissant du fond ou piégés dans quelque anfractuosité rocheuse, les vestiges de ces naufrages se révèlent aux spécialistes. Lentement leur étude minutieuse permet d'affiner une chronologie, d'indiquer une provenance, ou de déceler des signatures techniques qui identifient l'expérience et la maîtrise d'un charpentier naval. À terme, cette patiente analyse des sources matérielles permettra de restituer aux publics la mémoire d'épisodes maritimes souvent méconnus de notre histoire nationale.