Étienne Lenoir (1744-1832) est l’un des plus grands fabricants d’instruments scientifiques de la fin du XVIIIe siècle. Il a déjà réalisé le cercle de réflexion (ancêtre du sextant) pour le chevalier de Borda et les deux appareils utilisés pendant l’expédition de La Pérouse. Il est constamment sollicité par l’Académie royale des sciences à qui il fournit les appareils de mesure utilisés pour le calcul de la Méridienne de Paris en 1792 ou le premier mètre étalon en 1799.

Lenoir reçoit ainsi la commande du nouvel appareil tournant de Cordouan en 1786. Il conçoit dans un premier temps un appareil d’essai composé de dix réflecteurs argentés et emboutis et d’une horloge pour la rotation. Ce prototype est présenté au Roi le 28 juillet 1788 dans les jardins de Versailles et admiré par l’ensemble de la cour.

Un autre appareil beaucoup plus grand, constitué de 12 réflecteurs paraboliques de 90 cm en cuivre tournés à la manufacture de Romily-sur-Seine, est alors fabriqué et installé à partir du 15 août à Cordouan avec le soutien de l’horloger Mulotin de Dieppe. L’appareil spectaculaire représente le summum des techniques d’éclairage : lampes d’Argand, horloge à plateau, cheminées en verre, réflecteurs métalliques, ensemble tournant et ventilation. Ce feu de toutes les ambitions est allumé dans sa lanterne le 29 août 1790.

Toutefois, peu de temps après, il faut déchanter : les réflecteurs trop lourds risquent d’abîmer la fragile horloge. Les réflecteurs mal disposés provoquent des périodes d’obscurité. Les lampes sont situées trop près des plaques. Il faut réutiliser les mauvais réflecteurs provenant de Versailles. Pire le feu n’éclaire que de 6 à 7 lieues (23 km à 27 km)… bien moins que prévu.

Finalement, l’appareil du phare des Rois, qui devait représenter le sommet de la catoptrique du XVIIIe siècle s’avère être un quasi-échec. Tout ce travail, toute cette énergie déployée n’ont pas permis d’avancées décisives. Pour cela, il faudra encore attendre plus de 30 ans.