Selon l'historien Jean-Christophe Fichou, l'embouchure de la Gironde est une « dévoreuse de phares ». La mobilité du trait de côte et des bancs de sable, l'évolution des îles remettent en permanence en cause les décisions des ingénieurs. Cette précarité des phares est particulièrement sensible aux pointes de l'estuaire. À Grave, il faut attendre 1860 et les travaux de consolidation de la pointe avant qu'un phare de pierre soit reconstruit, le premier, établi en 1827, ayant été ruiné au bout de cinq ans et le second (1837) en une année ! Entre ces fiascos, les ingénieurs misent sur un échafaudage de bois qui a l'immense avantage d'être mobile.

L'histoire se reproduit sur l'autre rive, à la Coubre, où des phares de pierre s'écroulent à deux reprises (1842 et 1907). Comme à Grave, « l'interim  » est assuré entre 1860 et 1885 par une charpente de bois que les ingénieurs déplacent selon les évolutions du trait de côte. Un phare de 36 mètres en bois de sapin du Nord est installé en 1856 à Pointaillac, près de Royan. Il sert de modèle pour les phares en bois dans le Traité d'architecture de Léonce Reynaud, directeur du Service des phares.

Dans les années 1860, le phare démontable change de matériau. L'industrie propose désormais des tourelles et des phares métalliques, comme cette grande tour de 45 mètres mise en caisse et expédiée en Nouvelle-Calédonie en 1864. Deux étranges tripodes construits par la Société des Forges et Chantiers de la Méditerranée sont installés dans l'estuaire de la Gironde en 1870, à la Palmyre et à Richard. L'un est détruit à la fin de la Seconde Guerre mondiale, l'autre ferraillé dans les années 1960.

La ruine annoncée du phare actuel de la Coubre sera-t-elle l'occasion de renouer avec un phare mobile et donc plus durable ?