Dans une lettre adressée en 1724 à l'Amirauté anglaise, l'intendant Boucher demande sans détour les plans d'un réchaud pour améliorer la portée du feu de Cordouan. Il invoque la supériorité technique des tours anglaises dont les feux à charbon ne s'éteignent pas. Le courrier de Boucher est révélateur : pendant l'Ancien Régime, la France lorgne du côté de l'Angleterre dont les côtes sont incomparablement mieux éclairées. Mais la suprématie britannique réside autant dans la technologie que dans le mode de gestion des phares.

Ceux-ci sont placés sous la responsabilité de Trinity House, une corporation reconnue en 1514 par Henry VIII. Trinity House obtient en 1566 le privilège de construire des phares, pour lesquels elle perçoit des droits de feu (light dues), une taxe encaissée dans les ports anglais. La corporation est dirigée par des « frères aînés » (Elder Brethren), des hommes et des femmes choisis parmi les marins éminents, ainsi que dans l’aristocratie et le monde politique. L'Angleterre invente une gestion mixte - publique et privée - des phares, qui va stimuler la construction et l'innovation.

Les trois tours construites successivement sur le rocher d'Eddystone entre 1698 et 1759, au large de Plymouth, s'inscrivent dans cette dynamique. Les deux premières constructions disparaissent tragiquement. La troisième tour, construite en 1759 par l’ingénieur John Smeaton, est considérée comme le premier phare en mer moderne, mobilisant la science et les techniques pour assurer la stabilité de l’édifice.