Dès la parution de son estampe, le dessin de Chastillon donne au phare de Cordouan une identité visuelle qui va perdurer au fil des siècles. Outre les copies de cette image, le phare de Cordouan vu par Chastillon devient une importante source d'inspiration pour d'autres représentations, au risque d'ancrer une idée altérée du phare dans l'imaginaire collectif.

Par exemple, la présence des deux statues sur le fronton du phare, identifiées comme Mars et la Victoire est attestée uniquement par le dessin de Chastillon. Aucune des descriptions anonymes de 1630 et 1645, ne les évoque et, en 1648, le dessinateur hollandais Herman van der Hem qui habite alors Bordeaux, exécute un croquis du phare sur lequel ne figurent pas les statues.

Plus troublant encore, le jeune Léon Godefroy, visite Cordouan en août 1638. Son récit de voyage décrit la façade du phare puis l'intérieur : s'il évoque les bustes d'Henri III et d'Henri IV dans les niches du rez-de-chaussée, il ne mentionne aucune autre statue. En vue d'une éventuelle publication, il reprend son récit en 1645 et ajoute notamment plusieurs détails géographiques. Entre temps, la publication la plus connue du dessin de Chastillon est parue dans sa Topographie française, en 1641. Dans le passage consacré à la description des ornements de l’extérieur du phare, Godefroy rajoute : « et deux autres statues ». Il modifie son texte se fiant davantage à la représentation de Chastillon qu'à son propre récit. Quant aux statues, la seule possibilité serait qu'elles aient été détruites lors de la tempête de 1617.

Il est fort probable que Chastillon ait en fait étoffé ce qu'il a vu, pour se faire le messager de la force symbolique qui devait émaner du phare, mais dès le XVIIe siècle, la présence de ces statues fait partie intégrante de l'image de Cordouan.

Le phare de Cordouan semble donc à la fois figé dans un imaginaire collectif défini par le dessin de Chastillon et fantasmé en fonction des interprétations.